Madame Syrah est usufruitière d'une exploitation viticole tandis que sa fille Madame Merlot en détient la nue-propriété. Madame Merlot souhaiterait que cette exploitation soit donnée à bail à son fils, actuellement salarié agricole et ayant acquis les conditions de capacité professionnelle. Madame Syrah, quant à elle, préférerait que ce soit un autre locataire, qui est déjà preneur d'autres biens lui appartenant. En effet, cette personne est plus expérimentée et lui a déjà garanti sa solvabilité. Madame Syrah souhaiterait savoir si elle peut exiger que cette personne soit désignée comme preneur, en l'absence d'accord avec sa fille.
L'article 595 du Code civil prévoit que l'usufruitier peut donner à bail à un autre. Néanmoins, ce même article pose une limite en présence d'un bail rural : en effet, l'usufruitier ne peut alors, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural.
Toutefois, à défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier pourra être autorisé par justice à passer seul cet acte.
Le juge devra alors prendre en compte tous les intérêts en présence : ceux de l'usufruitier (ce dernier regarde l'intérêt immédiat : l'assurance du loyer qu'il touche) et ceux du nu-propriétaire (lequel pense à l'avenir, au moment où il sera plein propriétaire et ne voudra pas s'encombrer d'un locataire qu'il n'a pas choisi), mais aussi l'intérêt du fonds (une bonne exploitation à long terme), la nécessité économique ou encore la prise en considération de l'intérêt familial.
La Cour d'appel de Reims a récemment préféré le critère financier au critère familial ( CA Reims, 1re ch. civ., sect. 2, 12 juill. 2013, n° 13/00796). Les faits étaient identiques à ceux exposés par Madame Syrah. En l'occurence, le fils de la nue-propriétaire était salarié agricole et remplissait les conditions de capacité professionnelle ne justifiait pas de la possession du matériel nécessaire et ne détaillait pas son projet d'exploitation tandis que les preneurs expérimentés choisis par l'usufruitière avaient l'avantage d'avoir les moyens d'exploitation et de présenter des garanties de solvabilité, ce qui était important pour l'usufruitière qui dispose de revenus modestes. Le juge a ici autorisé à l'usufruitière de signer les contrats avec les preneurs qu'elle souhaité et non son petit-fils.
Pour tout conseil adapté, Madame Syrah aura donc tout intérêt à consulter son notaire. Attention toutefois, le droit au renouvellement du bail n'est pas acquis lorsque seul l'usufruitier signe le bail.